Vos arguments tiennent-ils vraiment la route?
Les sophismes sont des erreurs de raisonnement qui peuvent sembler convaincants à première vue, mais qui ne résistent pas à une brève analyse. Au travail, ils peuvent influencer les décisions, perturber nos discussions et limiter les innovations. Savoir les identifier et les contrer permet donc d'avoir des échanges plus constructifs et éclairés.
Qu'est-ce qu'un sophisme ?
Les sophismes sont des erreurs de raisonnement qui semblent logiques, mais qui, en réalité, sont trompeuses. Parfois, ils sont employés volontairement dans le but de manipuler, mais la majorité du temps ils résultent simplement d’un manque de réflexion ou d’une mauvaise compréhension.
Ce qui rend les sophismes problématiques, c’est leur capacité à détourner l’attention des faits et à induire en erreur. Ils reposent souvent sur des biais cognitifs, des mécanismes que notre cerveau utilisent pour simplifier et accélérer nos prises de décision (et qui sont aussi ma plus grande passion!). Par exemple, on adhère plus facilement à une idée si elle est présentée par une personne perçue comme crédible et qui nous ressemble ou si elle correspond à des idées qu'on partage déjà.
Pourquoi les sophismes sont-ils problématiques ?
Au travail mais aussi dans la vie de tous les jours, les sophismes peuvent entraîner des conséquences négatives. Lorsqu’ils sont présents dans les prises de décision, ils perturbent nos discussions et empêchent une évaluation plus objective des idées. Cela peut limiter l’innovation et créer des tensions inutiles entre les collègues.
Comment détecter les sophismes
La première étape pour contrer un sophisme est de savoir le détecter. Cela demande une capacité à analyser les arguments de manière critique et ça prend aussi du temps. Voici quelques stratégies :
1- Analyser la structure de l’argument
Pour analyser un argument, il faut vérifier si ses bases, appelées prémisses, sont solides et si la conclusion découle logiquement de ces bases. Si le lien entre elles est flou ou inexistant, il s’agit probablement d’un sophisme.
2- Chercher les preuves
Les affirmations doivent être appuyées par des faits ou des données. Si un argument repose sur des généralisations, des anecdotes ou des appels à l’émotion, on peut le questionner.
3- Identifier les détournements d’attention
Certains sophismes, comme l'attaque personnelle ou l’appel à l’émotion, visent à détourner l’attention de la question principale. Si l’argument semble s’éloigner du sujet, il peut s’agir d’une tentative de manipulation, volontaire ou non!
4- Questionner les alternatives
Les sophismes limitent souvent le champ des possibles en présentant une situation de manière trop simple. Par exemple, si un argument prétend qu’il n’existe que deux solutions à un problème complexe, on peut alors être en présence d'un sophisme.
Une fois un sophisme détecté, il est important de le confronter de manière constructive.
Voici quelques approches pour y parvenir :
1- Reformuler l’argument
Reformuler ce que la personne a dit pour en clarifier la logique permet souvent de mettre en lumière les incohérences de son discours.
2- Poser des questions
En posant des questions ouvertes, on encourage la discussion. Cela peut révéler les lacunes dans l’argument ou permettre de recentrer la discussion sur des faits concrets.
3- Apporter des données
Si l’argument repose sur des hypothèses incorrectes, on peut présenter des faits ou des exemples qui contredisent ces affirmations.
4- Favoriser le dialogue
Plutôt que de chercher à avoir raison, il est important de s'engager dans une discussion qui explore toutes les perspectives. Cela aide à désamorcer les tensions et à maintenir une communication plus positive.
Prenons un exemple courant de sophisme basé sur une fausse prémisse:
Prémisse 1 (fausse) : « Les femmes sont physiquement plus faibles que les hommes. »
Prémisse 2 : « La construction est un travail qui exige une force physique. »
Conclusion : « Les femmes ne sont pas adaptées pour travailler dans la construction. »
La structure de l’argument est logique, mais il repose en fait sur une fausse prémisse. Il repose aussi sur le mythe que la force physique est le seul critère déterminant pour travailler dans la construction et que toutes les femmes sont physiquement plus faibles que tous les hommes. Lorsque la prémisse est fausse ou incomplète, la conclusion devient également fausse.
Pour détecter ce type de sophisme il faut :
1- Examiner les prémisses
Sont-elles vraies ? Dans ce cas, la prémisse repose sur un stéréotype et ne prend pas en compte la diversité des capacités individuelles ni les évolutions du métier.
2- Évaluer la logique
Les prémisses mènent-elles nécessairement à la conclusion ? Ici, l’argument ignore les autres compétences indispensables et les progrès dans les outils de travail.
Plutôt que de rejeter directement la conclusion, une approche plus efficace consiste à (toujours!) poser des questions. Cela incite la personne à examiner ses propres idées et à les reconsidérer.
Voici un exemple de dialogue (je sais que ça ne se passe pas de manière aussi fluide dans la réalité, mais c’est un exemple!) :
Marc : « Les femmes ne peuvent pas travailler dans la construction. C’est trop physique. »
Sophie : « Qu’est-ce qui te fait penser que la construction n’est pas adaptée aux femmes ? »
Marc : « Eh bien, c’est un travail lourd et physique. Les hommes sont plus forts, non ? »
Sophie : « La force compte, c’est vrai. Mais tu crois que c’est la seule compétence nécessaire ? »
Marc : « Pas vraiment... Il faut aussi de la précision et savoir lire des plans. »
Sophie : « Exactement. Et aujourd’hui, il y a des machines pour porter les charges lourdes. Les femmes, et les hommes, les utilisent! »
Marc : « Ah! Je n'avais pas vu ça comme ça! »
Conclusion
Les sophismes sont parfois très subtils, mais ils peuvent être détectés et contrés avec les bons outils. Il ne faut pas non plus avoir comme objectif de ne plus jamais faire de sophismes. Il faut simplement essayer de les limiter et que la majorité de notre argumentaire ne soit pas basé sur ceux-ci. Il faut aussi se donner du temps, prendre un pas de recul et ne pas précipiter des décisions qui ont un impact à long terme. Aussi, les discussions ne devraient jamais viser à convaincre, mais devraient selon moi viser à comprendre et à progresser!
Aimerais-tu que j'aborde davantage certains sophismes?
N'hésite pas à m'écrire tes suggestions!
À bientôt!
Sarah
Références :
Godden, D., Casey, J. No Place for Compromise: Resisting the Shift to Negotiation. Argumentation 34, 499–535 (2020). https://doi.org/10.1007/s10503-020-09517-z
Ouellette-Michaud, J. (2023). Sophismes et biais cognitifs. Dans G. Béghin, E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton, & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 5. En ligne : www.shortcogs.com