Plus il y a de victimes, moins on est empathique
L'empathie est une qualité essentielle qui nous permet de nous connecter émotionnellement avec les autres personnes, de comprendre leurs sentiments et de ressentir de la compassion envers elles. Elle est souvent considérée comme une vertu morale, mais il existe un paradoxe intéressant qui mérite d'être exploré : plus il y a de victimes dans une situation, plus l'empathie des gens semble diminuer. Pourquoi cela se produit-il et en quoi cela a-t-il un impact sur nos pratiques en équité, diversité et inclusion ?
Le paradoxe de l'empathie, étudié par plusieurs équipes de recherches en psychologie et en sciences sociales, révèle des aspects fascinants de la psychologie humaine. Pour comprendre ce phénomène, on doit d'abord examiner comment fonctionne l'empathie.
L'empathie est souvent suscitée par l'identification avec une personne ou un groupe spécifique. Lorsqu’on peut s’imaginer à la place d’une autre personne et comprendre ses émotions, sa douleur ou même sa joie, on éprouve de l'empathie. Cependant, cette capacité à se mettre à la place des autres est limitée. En effet, plus il y a de personnes impliquées dans une situation, moins on est capables de s’identifier individuellement à chacune d'elles.
Cela peut expliquer en partie pourquoi un grand nombre de victimes dans une situation peut entraîner une diminution de l'empathie. Lorsqu'une tragédie ou des inégalités sociales touchent un grand nombre de personnes, il peut être difficile de se connecter émotionnellement avec chacune d'elles. Certaines personnes peuvent se sentir submergées par le nombre de victimes, ce qui rend difficile l'établissement d'une connexion personnelle avec chacune d'elles.
On peut aussi faire un lien avec l’effet témoin. Ce phénomène, particulièrement bien démontré scientifiquement, explique qu’on a moins tendance à porter secours à une personne si on croit que d’autres personnes pourraient aussi lui venir en aide.
Pour limiter ces effets négatifs, il est important de s’exposer à des réalités qui nous semblent éloignées. En effet, lorsqu’on rencontre des personnes qui font face à des défis et à des obstacles dans leur vie quotidienne, on a l'occasion de mettre un visage sur leur réalité. On peut entendre leurs histoires, comprendre leurs luttes et ressentir une connexion personnelle avec elles. Cette expérience peut renforcer notre empathie envers ces individus et nous inciter à agir pour les soutenir.
Un moyen concret pour favoriser l’empathie est le fait d’avoir accès à des témoignages de personnes issues de groupes historiquement marginalisés. Le témoignage est le fait de donner la parole aux personnes qui ont vécu des expériences difficiles et cela peut être une grande source d'empathie, car ça nous permet de voir le monde à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Lorsqu’on entend les récits de personnes qui ont été marginalisées et discriminées, cela peut avoir un impact profond sur notre compréhension de leur réalité et nous permet de nous mobiliser pour lutter contre ces inégalités sociales.
Les témoignages peuvent également aider à rompre le paradoxe de l'empathie. En mettant un visage sur une situation difficile et en nous permettant de nous identifier à une personne spécifique, les témoignages peuvent augmenter notre empathie même dans les situations où il y a de nombreuses victimes. En effet, les histoires personnelles peuvent nous toucher de manière plus profonde que les statistiques et les chiffres.
Aussi, pour que les témoignages aient un impact significatif, il est essentiel de donner la parole à une variété de voix. Trop souvent, les récits de certaines personnes sont ignorés, ce qui peut perpétuer les inégalités et renforcer le paradoxe de l'empathie. Si on n’entend que les histoires d'un groupe restreint de personnes, on risque de ne pas avoir conscience des défis auxquels d'autres groupes sont confrontés. Personnellement, j’entends peu de témoignages de personnes judiciarisées, vivant avec le VIH ou encore des personnes ayant un trouble de santé mentale sévère. Ces personnes sont encore très stigmatisées et il est primordial de s’exposer à leurs réalités afin d’augmenter notre empathie.
Il est donc crucial de promouvoir l'équité, la diversité et l'inclusion dans nos efforts pour accroître l'empathie. On doit s’assurer que toutes les voix sont entendues, que toutes les expériences sont reconnues et que toutes les histoires sont valorisées. Cela signifie créer des espaces sûrs pour que les personnes marginalisées puissent partager leurs récits et faire tomber certains mythes et stéréotypes.
Le pouvoir du témoignage est également étroitement lié à notre capacité à identifier les victimes. Lorsque nous entendons les témoignages de personnes qui ont été victimes de discrimination, de violence ou d'injustice, cela nous permet de reconnaître leur statut de victimes. Cela peut être un élément essentiel pour susciter de l'empathie envers elles.
En fin de compte, le paradoxe de l'empathie nous rappelle que l'empathie n'est pas automatique. Elle dépend de notre capacité à nous identifier aux autres, à reconnaître leur statut de victimes et à entendre leurs récits. Pour surmonter ce paradoxe, on doit mettre en lumière les témoignages des personnes marginalisées, promouvoir l'équité, la diversité et l'inclusion et travailler activement pour offrir des rencontres entre les différents groupes de personnes.
À bientôt!
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Pour plus d’informations : https://ici.radiocanada.ca/ohdio/premiere/emissions/penelope/segments/chronique/430758/danger-agression-science-recherche-police